Mercredi, Claude Bartolone indiquait vouloir appliquer le droit de vote obligatoire en France pour toutes les élections. Un sondage réalisé pour la fondation Jean Jaurès donne un Français sur deux favorable à la mesure. En Belgique, l'obligation de vote est en vigueur depuis plus d'un siècle. De jeunes citoyens belges racontent au JDD.fr comment on vote quand on y a toujours été obligé.
Imagineriez-vous un pays où 9 personnes sur 10 se déplacent pour voter à chaque scrutin? Où l'on vous affirme qu'on n'a jamais, au grand jamais, oublié de glisser son bulletin dans l'urne? Ce pays existe, et c'est un voisin de l'Hexagone : la Belgique. Le vote y est obligatoire depuis 1984 et les taux de participation atteignent les 90%, même si la sanction financière y est rarement appliquée. Alors que Claude Bartolone suggérait mercredi à l'Elysée que la France devrait adopter le vote obligatoire, quatre jeunes citoyens belges raconte comment ils vivent le vote obligatoire.
Elodie Ladrière, 23 ans, collaboratrice parlementaire au Parlement wallon
J’ai toujours voté. Il faut reconnaître que c’est dans la culture du pays aussi – je suis née dans un pays où le vote est obligatoire, j’ai toujours vu mes parents voter. Dans ma famille, ce genre d’obligation n’est pas remise en cause. C’est plutôt une 'obéissance aux lois' qu’une crainte de l’amende, puisqu’il est de notoriété publique que cette amende est rarement appliquée. C’est ancré en moi que voter, c’est bien : pas seulement une obligation mais aussi un droit.
Florence Rioda, 25 ans, coordinatrice audit et fiscalité en conseil
J'ai toujours été voter, mais il n'est pas évident de savoir pour qui glisser son bulletin dans l'urne. Je ne vote jamais pour une personne en particulier : notre mode de scrutin (proportionnel et plurinominal, sur base de listes, Ndlr) ne s'y prête pas. Je fais mon choix sur la base des programmes politiques. Chaque fois, certains points me plaisent dans chacun des programmes : je ne sais pas pour qui voter et mon choix se fait par défaut. Une année, j'ai voté MR (parti francophone libéral de centre-droit) car le parti protège les intérêts de ma mère, qui est indépendante et cela m'avait sensibilisé. Une autre fois, j'ai donné ma voix à Groen (le parti écolo flamand)...
Emeline David, 24 ans, assistante commerciale
Le gros inconvénient du vote obligatoire, c'est que cela force des gens qui ne s'intéressent pas à la chose politique à déposer un bulletin dans l'urne. Beaucoup arrivent au bureau de vote sans savoir pour qui voter. Certains font même ce qu'on appelle du 'vogelpick' (littéralement, 'jeu de fléchettes', équivalent de la courte-paille, Ndlr) Il est par exemple déjà arrivé à mon père d'arriver dans l'isoloir, de fermer les yeux et de choisir au pif. Est-ce que ça change quelque chose dans la manière dont on parle ou pense le vote? Oui, définitivement. Parce que les gens le voient comme une 'corvée'. Pourtant, on estime que le peuple belge s’est battu pour le droit de vote, que c’est donc normal que ça devienne un devoir. Au niveau politique, je ne pense pas -et je n'espère pas- que ce soit un sujet de discussion.
Marion Kokel, 24 ans, assistante de communication
Jusque là, j'ai toujours voté pour éviter le vote blanc, mais je ne suis pas sûre de toujours le faire à l'avenir. Je ne soutiens pas forcément toutes les idées des candidats pour qui je vote. Je peux soutenir un programme économique, mais pas certaines politiques sociales ou vice-versa, ou il y a un point particulier du programme qui va à l'encontre de mes opinions... Pour moi, ne pas voter est une forme de protestation, et j'estime que c'est un droit. Je ne connais pas de personne ayant été sanctionnée pour ne pas avoir été voter, mais un proche a un ami qui ne va pas voter depuis plusieurs années, et il a finalement été sanctionné au dernier scrutin, pour la première fois.